Ressouder le tissu communautaire à travers la préservation des forêts classées
L’UNESCO soutenu par le PBF aide les jeunes à mieux comprendre le caractère sacré de certaines forêts de l'ouest ivoirien afin de renforcer la cohésion sociale.
En Côte d’Ivoire, les forêts sacrées servent, dans chaque village, à transmettre des valeurs ancestrales dans lesquelles les peuples de ces localités se reconnaissent. Les profanations et l’exploitation humaine des forêts sacrées menacent la cohésion sociale et le précieux héritage social et culturel que représentent pour les populations ces sites traditionnels.
L'UNESCO, avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (PBF), aide, depuis 2019, les jeunes de cinq localités de la région de Biankouma, à l'ouest de la Côte d'Ivoire et réputée pour abriter de nombreuses forêts classées, à mieux comprendre le caractère sacré de ces forêts et leurs traditions en général, afin de renforcer la cohabitation pacifique et la paix entre toutes les communautés.
C’est pour s’imprégner des réalisations de ce projet dénommé « Participation des jeunes à la prévention et à la gestion des conflits identitaires liés à la profanation et à l’exploitation des forêts sacrées dans le département de Biankouma » que le Coordonnateur résident des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Philippe Poinsot, et la représentante de l’UNESCO, Anne Lemaistre, ont effectué une visite du 21 au 23 juin 2021 dans la région montagneuse de l’ouest ivoirien.
" La culture est l'âme d'un peuple et la restauration de nos forêts sacrées est une initiative que nous apprécions grandement "
Aux notables de sa Majesté Dan 1er, président de la Chambre des Rois et Chefs traditionnels de la région du Tonkpi et au Préfet de la région rencontrés au début de cette visite, les deux officiels des Nations Unies ont rappelé l’intérêt du projet et les opportunités pour la région.
« Ce projet s'adresse à tous les jeunes car il est crucial qu'ils aient la compréhension des lieux sacrés de leur région et de leurs traditions ; qu'ils les respectent, les conservent et les transmettent aux générations futures. L’on a vu à quel point la profanation et/ou l’exploitation des forêts sacrées ont entraîné de graves conflits entre communautés de la région », a affirmé Anne Lemaistre de l’UNESCO. « C’est pour mieux adresser cette délicate problématique que le projet prend en compte plusieurs approches innovantes comme l’apprentissage des jeunes à la conservation des forêts classées et aux vertus médicinales des plantes, la promotion du patrimoine culturel et des sports traditionnels mais également l’autonomisation socio-économique des femmes et l’éducation des jeunes aux médias et à l’information », a-t-elle poursuivi. « Vous aidez à préserver nos forêts sacrées et cela nous réjouit énormément. La culture est l'âme d'un peuple et la restauration de nos forêts sacrées est une initiative que le roi et la population dans sa diversité apprécient à leur juste valeur », s’est réjoui Liadé Justin, porte-parole du Roi du Tonkpi.
L’après-midi du 21 juin était jour de joie et de réjouissance pour toutes les communautés à Biankouma. La raison, la pose de la première pierre d’un moulin multifonctionnel dans le quartier de Biankouma village et la finale du tournoi de consolidation de la paix. « Dans les localités rurales comme celles de Biankouma village, les moulins servent non seulement à transformer les aliments de base, mais ce sont aussi des lieux de socialisation et de renforcement des liens entre les femmes des différentes communautés » a indiqué Diomande Droh, le chef central de Biankouma, lors de la pose du moulin multifonctionnel qui sera également installé dans les 4 autres villages couverts par le projet.
Au stade municipal de Biankouma qui a abrité la finale de la course de masques et du tournoi de football, le Coordonnateur résident a, lui, insisté sur la dimension rapprochement communautaire du projet. « À travers ces rencontres sportives autour du football et de la course des masques et autour du thème de la consolidation de la paix, nous avons voulu sensibiliser les jeunes des cinq localités cibles sur le vivre ensemble dans leur diversité culturelle en renforçant les liens à travers des messages de paix et en leur inculquant l’esprit de fair-play et les autres valeurs du sport telles que la tolérance, l’acceptation des différences, l’esprit d’équipe et le respect des règles », a-t-il précisé.
"S'accepter dans la diversité, c'est important pour vivre dans la cohésion et la paix"
A l’issue de la finale du match de football suivie par des milliers de spectateurs venus de tout le département, l’équipe de Biankouma s’est imposée face à celle de Gandié aux tirs au but. Mais pour les jeunes, l’essentiel était plutôt de consolider les liens entre eux. "Toutes les équipes lors du tournoi étaient composées de joueurs autochtones, allochtones et allogènes. S'accepter dans la diversité, c'est important pour vivre dans la cohésion et la paix", s’est réjoui Mamadou Diallo, 28 ans, d’origine guinéenne, capitaine de l'équipe de Biankouma, vainqueur du tournoi.
Le 22 juin, la salle de réunion de la préfecture de Biankouma est pleine. Face aux chefs traditionnels, au préfet de la ville et à la délégation des Nations unies, une équipe de spécialistes recrutés par le projet restitue l’inventaire culturel et la collecte de données sur les forêts classées de Biankouma.
« Cette étude vise à documenter les forêts sacrées y compris leur géolocalisation et leur délimitation, mieux expliquer leur rôle auprès de toutes les communautés, identifier les causes des conflits liés aux forêts sacrées et à engager les jeunes à s’impliquer dans la prévention et la gestion des conflits liées à ces sites sacrés », a expliqué le chef de l’équipe des consultants face aux participants à cette restitution qui s’est achevée par des recommandations afin de préserver l’intégrité des forêts sacrées et prévenir les conflits.
Pour la délégation du Coordonnateur résident, la mission s’est achevée par la visite du village de Gandié. Enclavé et difficile d’accès, Gandié est l’un des 5 villages cibles du projet. Ici, en 2018, un conflit foncier entre communautés, autour de parcelles de terres dans la forêt sacrée du village, avait dégénéré en affrontements et occasionné de nombreux dégâts matériels et des centaines de personnes déplacées. Ce 23 juin, des jeunes filles sont réunies sur la place publique. Elles suivent auprès de femmes du 3ème âge, une formation sur les techniques de conservation des forêts classées et les vertus médicinales des plantes. « La formation à la connaissance des plantes est très importante pour les jeunes filles car elle permet de les ancrer davantage dans la connaissance de leurs cultures. Pour les femmes du 3ème âge, cette transmission de savoirs sur l'utilisation des plantes médicinales est une forme d’héritage culturel qu’elles lèguent ainsi aux jeunes filles. », a assuré Maïmouna Camara, la responsable du projet sur les forêts classées à l’UNESCO.
Afin de créer des emplois pour les jeunes et valoriser le riche potentiel écologique et touristique de la région, le projet, en partenariat avec le Ministère du Tourisme et des Loisirs, a également formé 25 jeunes de Biankouma au guidage touristique et à l’agroforesterie. « Notre projet s’appuie sur une stratégie intégrée qui vise à préserver les forêts sacrées, générer du potentiel économique et valoriser les sites touristiques de la région pour au final ressouder le tissu communautaire et renforcer la cohésion sociale entre les communautés », a conclu la représentante de l’UNESCO en Côte d’Ivoire, Anne Lemaistre.
Lancé en novembre 2019, le projet « Participation des jeunes à la prévention et à la gestion des conflits identitaires liés à la profanation et à l’exploitation des forêts sacrées dans le département de Biankouma », est mis en œuvre dans les localités de Biankouma, Gbombelo, Dio, Gbonné et Gandié. D’un coût de 1,500,000 USD financé par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (PBF), cette initiative s’achèvera en août 2021.
L'album photos de cette mission et du projet sur les forêts classées