Chaque année, environ 37 % de la production agricole en Afrique est perdue après la récolte, représentant une perte économique estimée à environ 48 milliards de dollars US, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ce phénomène affecte particulièrement les filières vivrières et touche les petits exploitants, qui forment la majorité des producteurs agricoles du continent. Faute d’infrastructures adéquates pour conserver leurs récoltes, ces agriculteurs sont souvent contraints de vendre rapidement leurs produits et à des prix peu avantageux. Cette situation qui empêche de garantir un revenu stable, alimente également l'insécurité alimentaire dans plusieurs régions d’Afrique et compromet ainsi les efforts pour atteindre une sécurité alimentaire durable.
En Côte d'Ivoire, la filière oignon n’échappe pas à cette réalité. Avec une production locale couvrant à peine 5 % des besoins nationaux, les petits producteurs peinent à valoriser leurs récoltes. L'absence de solutions de conservation efficaces les obligent à vendre immédiatement après la récolte, généralement lorsque les prix sont au plus bas. Ces ventes précipitées réduisent leur potentiel de profit, et les pertes, bien que peu visibles dans les statistiques officielles, entraînent des répercussions tangibles. Elles limitent notamment les capacités des familles rurales à réinvestir dans leurs exploitations, freinant ainsi la croissance du secteur et la résilience économique des communautés locales.
Une solution innovante pour lutter contre les pertes
Pour réduire les pertes significatives dans la filière oignon, le Programme d’Appui au Développement des Filières Agricoles (PADFA), financé par le FIDA et mis en œuvre par l'État ivoirien, a construit 300 cases de conservation d’oignons dans les régions de Bagoué, Gbêkê, Hambol, Poro et Tchologo. Ces installations permettent d’allonger la durée de conservation des oignons jusqu’à huit mois, réduisant les pertes post-récolte à seulement 7-10 %, contre 30 % auparavant. Cette solution transforme l’économie des petits producteurs : ils peuvent maintenant attendre des périodes où les prix sont plus élevés, entre juin et octobre, atteignant jusqu’à 1 400 FCFA/kg, par rapport aux 300 FCFA/kg au moment de la récolte.
"C’est un véritable changement pour nous," témoigne Silué Bamara, membre du Groupement WOPININ, soutenu par le PADFA. "Avec la case de conservation, j’ai pu stocker 400 kg d’oignons et je n’ai perdu que 2 %. Maintenant, je peux vendre au bon moment, couvrir mes dépenses et améliorer la vie de ma famille."
Le projet PADFA inclut également une composante de formation et de transmission de compétences pour assurer la pérennité des infrastructures de conservation des oignons. Dans les régions ciblées, 37 artisans ferronniers locaux ont été formés pour construire et entretenir ces cases de conservation, favorisant la création d’emplois locaux et un transfert de savoir-faire essentiel à long terme. Des comités de gestion locaux supervisent l’utilisation et l’entretien des infrastructures dans la vision d'une gestion communautaire efficace et durable.
Une stratégie durable pour les chaînes de valeur
Dans le cadre de ses interventions, le FIDA a intégré la réduction des pertes post-récolte comme axe central de nombreux projets afin de renforcer les chaînes de valeur agricoles. Ces projets comprennent d’importants investissements dans des infrastructures post-récolte, telles que des centres de collecte, des entrepôts de stockage et des installations de transformation. Parallèlement, des fonds sont alloués à la formation des agriculteurs et autres acteurs de la chaîne de valeur pour diffuser les meilleures pratiques en matière de gestion post-récolte, permettant aux petits exploitants d’optimiser leurs bénéfices.
Grâce à cette approche intégrée, le projet a considérablement réduit les pertes alimentaires à chaque étape de la chaîne d'approvisionnement en Côte d'Ivoire, avec des effets tangibles sur les revenus des petits exploitants et leur capacité à faire face aux défis économiques.
Un impératif économique et environnemental
Les pertes post-récolte représentent un gaspillage considérable de ressources naturelles, telles que les terres cultivées, l'eau et l'énergie, toutes investies dans des produits qui ne parviennent jamais aux marchés. Réduire ces pertes est crucial, pour non seulement améliorer les revenus des agriculteurs, mais aussi pour optimiser l’utilisation des ressources agricoles.
En Côte d’Ivoire, le PADFA, avec l’appui du FIDA, soutient 20 organisations professionnelles agricoles (OPA) en améliorant les infrastructures de stockage et en promouvant des techniques de conservation adaptées aux conditions climatiques locales et respectueuses de l’environnement. Grâce à ce programme, les pertes alimentaires sont réduites, les revenus augmentent, et le gaspillage de ressources est minimisé.
Soutenir les petits exploitants est essentiel pour stabiliser les systèmes alimentaires africains, en particulier en Côte d’Ivoire. En investissant dans des infrastructures durables et en renforçant l’autonomie des producteurs, le FIDA contribue à bâtir des moyens d’existence résilients pour les communautés rurales et à assurer ainsi une sécurité alimentaire pérenne pour le pays.