Autonomiser les petits agriculteurs grâce à l’apprentissage numérique et littéraire de base
Bakari raconte les débuts du groupement agricole qu'il a fondé et comment le soutien intégré du PAM et de l'UNESCO a donné plus d'autonomie à son organisation.
Depuis 2002, Bakari Yéo est le fondateur et membre actif du groupement agricole de Kotchérie, une localité du Nord de la Côte d’Ivoire. En 2017, le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM) en Côte d’Ivoire a identifié le groupement dans le cadre d’un projet pilote d’accompagnement de 10 groupements agricoles féminins pour soutenir le programme national d’alimentation scolaire. Ce programme intégré se base sur la production agricole locale pour couvrir une partie des besoins alimentaires des cantines scolaires et assurer l’implication des communautés. Après trois années d’accompagnement et grâce à l’apprentissage numérique et littéraire de base, le groupement de Kotchérie est rentré dans une phase de consolidation des acquis et d’autonomisation. Bakari revient sur les débuts du groupement et les étapes clés qui ont permis le développement de son organisation agricole.
Il y a près de vingt ans, Bakari hérite de plus de 5 ha de terres cultivables, mais il ne parvient pas à entretenir et exploiter cette vaste parcelle. Il décide alors de créer un groupement agricole en 2002 pour que les membres du groupement l’aident à cultiver les parcelles. Ceux sont dix (10) agricultrices qui le rejoignent. En échange, elles peuvent bénéficier des productions engendrées sur les terres. Dès le départ, le groupement fait le choix de remettre une partie des denrées à l’école du village, où leurs propres enfants sont scolarisés. Cependant, les conditions de travail sont très difficiles. Yéo confie que les agricultrices n’avaient pas d’arrosoirs et l’absence de grillage entraînait de nombreuses destructions des champs par les animaux. Loin de baisser les bras et pour attirer davantage de membres, il décide en 2012 de légaliser le prêt de ses terres aux agricultrices, permettant à celles-ci d’en bénéficier aussi longtemps que le groupement existera.
" Tu peux t’aider toi-même et aider les autres en même temps. La présence des femmes dans ces champs familiaux m’avantage autant qu’elles y gagnent ", indique Yéo Bakari.
Soutenir les groupements pour valoriser la production locale et alimenter les cantines scolaires
En 2017, le PAM effectue une mission dans le Nord du pays afin d’identifier les dix (10) groupements agricoles qui bénéficieront du projet pilote d’appui aux groupements agricoles féminins selon la politique nationale d’alimentation scolaire qui prévoit de valoriser la production locale pour alimenter les cantines scolaires. Le groupement de Kotchérie est ainsi retenu sur la base de critères tels que le taux d’insécurité alimentaire et nutritionnelle, le taux de scolarisation et de pauvreté de la zone, puis le niveau de gouvernance du groupement, les superficies disponibles et le nombre de femmes. Vu que le groupement contribuait déjà à la cantine du village, en collaboration avec le PAM, le groupement de Bakari s’attèle alors à accroître la production, à la diversifier et améliorer la qualité.
Le groupement bénéficie d’intrants et de matériel agricole (grillage, arrosoirs, moulin, décortiqueuse, tricycle, bœufs) et les agricultrices sont formées aux bonnes pratiques agricoles et nutritionnelles. « Nos conditions de travail se sont nettement améliorées et nos productions aussi. On a beaucoup moins de pertes, ce qui nous encourage à vouloir faire encore plus pour contribuer au développement de notre village », reconnaît Bakari. Après trois années, le groupement, désormais composé de vingt-neuf (29) membres pour trois (3) hommes, cultive des oignons, de la laitue, de l’oseille, du maïs et de la patate douce à chair orange. Depuis, la production du groupement a augmenté de plus de 60 % et la cantine scolaire de l’école de Kotchérie bénéficie désormais de denrées diversifiées, nutritives et produites localement.
" Il nous fallait renforcer l'autonomie du groupe en leur transmettant les savoirs clés à la gestion d'un groupement, à savoir les notions de rentabilté et d'investissement. Dans ces zones où le taux d'analphabétisme est élevé, il était primordial de commencer par renforcer leur apprentissage de la lecture et de l'écriture ", se souvient la Représentante du PAM, Mme Adeyinka Badejo.
Une approche intégrée PAM-UNESCO pour assurer les besoins spécifiques des petits agriculteurs
En 2019, l’UNESCO rejoint et renforce le projet afin de promouvoir l’éducation-formation des agricultrices en milieu rural (avec un volet axé sur l’usage de smartphone pour l’autoapprentissage continu des apprenants). Trois cents (300) agricultrices de dix (10) groupements agricoles et vingt (20) jeunes alphabétiseurs endogènes sont formés pendant six (6) mois. Les partenariats sont au cœur d’une approche intégrée pour assurer la prise en compte des besoins spécifiques et transversaux des petits agriculteurs. Pour ce projet, les groupements agricoles ciblés pour ces formations sont dans un premier temps ceux accompagnés par le PAM depuis 2017 car depuis, le PAM a triplé le nombre de groupements accompagnés.
" Grâce à cette formation, je peux utiliser mon téléphone portable seul, calculer et écrire, mais aussi lire les panneaux quand on quitte le village pour un autre ", indique fièrement Bakari.
Désormais convaincu de l’importance de la lecture et de l’écriture, Yéo met un point d’honneur à scolariser ses six enfants encore en âge d’aller à l’école, possible avec l’augmentation de ses revenus à travers le projet. Quant à ses enfants aînés, il leur transmet comme il peut ce qu’il a appris pendant la formation, et quand c’est possible, vient à la formation accompagné de ses enfants.
" C'est dans cette même dynamique que le PAM souhaite étendre ce programme d'alphabétisation fonctionnelle auprès de 5 000 petits producteurs alimentaires, principalement des femmes au coeur de la production vivrière du pays. Les partenariats sont donc essentiels pour assurer un accompagnement intégré, qui répond à l'ensemble des besoins spécifiques et diversifiés des petits agriculteurs ", soutient la Représentante du PAM.
L'alphabétisation est un puissant outil pour donner aux femmes les moyens de contribuer de manière productive au développement de leur communauté, et d’atteindre les Objectifs de Développement Durable, notamment la Faim Zéro, second objectif du calendrier 2030. En améliorant la productivité, les moyens de conservation et de transformation, en facilitant l’accès aux marchés, les agricultrices améliorent leurs revenues et leurs conditions de vie, alors qu’elles constituent la majorité de la main d’œuvre vivrière du pays.