Ces initiatives de paix portées par des jeunes à Abobo et Yopougon
Pour apprécier l'état d'avancement du projet "YPS en pratique" mis en œuvre par de jeunes leaders, une équipe des Nations Unies s'est rendue à Yopougon et Abobo
Lorsqu’il est question de paix, les jeunes veulent avoir leur mot à dire. Dans des communes d’Abidjan, des initiatives sont menées afin de contribuer à prévenir et réduire la violence dans certains quartiers réputés violents. Grâce à l’accompagnement financier du Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (UN PBF), Interpeace et son partenaire d’exécution Indigo Côte d’Ivoire (CI) mettent en œuvre, depuis 2019, à Abobo et Yopougon, le projet « YPS en Pratique : Auto-analyse et renforcement du leadership des jeunes dans la prévention de la violence politique en Côte d’Ivoire ».
Pour s’imprégner des acquis du projet, une délégation des Nations Unies s’est rendue le 19 mai 2021 dans la commune de Yopougon pour une visite de terrain organisée par Interpeace.
L’espace ‘’Nokoue’’ de Yopougon a été la première étape de la visite avec une trentaine de bénéficiaires. Les échanges ont porté sur les résultats obtenus par le projet « YPS en pratique ».
Claire Samain, chargée de programme à Interpeace, a expliqué que ce projet a pour objectif d’améliorer la participation des jeunes en tant qu’acteurs et leaders dans la consolidation de la paix, en renforçant leurs capacités d’analyse et d’action en matière de prévention de la violence politique en Côte d’Ivoire.
« L’attention portée sur les jeunes découle du contexte politique lié à la crise post-électorale de 2011 qui a fortement affecté la cohabitation au sein des communautés. C’est pourquoi, notre axe d’intervention a mis l’accent sur le renforcement des capacités des jeunes porteurs d’initiatives de prévention de la violence politique afin de les transformer en leaders plus autonomes, stratégiques, efficaces et critiques », a-t-elle déclaré.
L’approche adoptée par Interpeace et Indigo pour la mise en œuvre du projet s’est effectuée en plusieurs phases. Après l’étude de terrain participative et inclusive pour comprendre les dynamiques de participation à la violence politique et les leviers de prévention, les capacités des jeunes ont été renforcées avec des méthodes et outils d’analyse critique et participative, afin d’analyser la participation de la jeunesse à la violence politique, mais aussi à sa prévention.
Ensuite, le projet a sélectionné une quarantaine de jeunes issus de 8 initiatives locales à Abobo et Yopougon, ainsi que 7 mentors pour les accompagner.
Enfin, les jeunes leaders, désormais outillés sur la méthode RAP (Recherche et Approche participative) ont investi les quartiers réputés violents et les quartiers paisibles des deux communes. Leurs actions ont consisté à la cartographie des zones à visiter, les types de personnes à interroger et les actions de facilitation engagées en vue de promouvoir la cohésion sociale entre les communautés.
La délégation a pu également apprécier la stratégie mise en œuvre par Interpeace et Indigo pour améliorer la gouvernance des associations de jeunes. De ce fait, un groupe, appelé Mécanisme Participatif-pilote de Soutien technique et financier (MEPAS) a été créé pour soutenir la mise en œuvre de ces actions communautaires et étudier les demandes de fonds déposées par les initiatives.
« Pour nous, il s’agit d’engager les parties prenantes dans une dynamique collective et interactive de réflexion et de dialogue sur les problèmes propres à leurs sociétés et sur les moyens pour les résoudre », a relevé Diabaté Awa de Indigo.
Au cours de la séance, les jeunes bénéficiaires du projet ont pu présenter des exemples d’actions communautaires qu’ils ont mis en œuvre. Membre de l’ONG Jeunes Ivoiriens Promoteurs de la Langue Anglaise, Jean-Luc Konan explique comment l’accompagnement technique d’Indigo a permis à son organisation de sortir de l’informel pour être une association reconnue et légalement constituée. « Aujourd’hui, nous travaillons dans la communauté du quartier de Yopougon-Toits-Rouge où nous avons mis en place une brigade de lutte contre les fausses nouvelles », raconte-t-il avec de l’enthousiasme.
En effet, c’est dans ce quartier d’Abidjan que le premier incident anti-COVID-19 a été enregistré en avril 2020. Ce jour-là, des habitants ont violemment détruit un centre de dépistage COVID-19 en construction. « Tout est parti d’une rumeur. Après avoir constaté que les fausses nouvelles constituaient un problème de cohésion sociale et de risque de violence politique, nous sommes montés au créneau pour sensibiliser les populations de notre quartier », relate-t-il. Ajoutant qu’une plateforme dénommée « Le bon son » a été créée en partenariat avec une radio communautaire de Yopougon, pour canaliser les vraies informations autour du COVID-19 et lutter contre les fausses informations.
Un autre exemple de succès relevé concerne l’association Jeunesse Unie pour le Développement. Actifs dans le sous quartier de Yopougon-Académie, les membres de ce groupement de jeunes rencontrent régulièrement les communautés. Selon Yéo Mawa, une bénévole de l’association, les actions menées sur le terrain ont été rendues possible grâce à la formation reçue sur la RAP. « Grâce à la méthode RAP, nous sommes capables de mener des recherches sur le terrain pour rechercher des acteurs en conflit et tenter une résolution pacifique de ces conflits », se réjouit-il.
Au terme de la rencontre, la délégation du Bureau du Coordonnateur Résident des Nations Unies a salué l’engagement des jeunes à régler les problèmes de leurs communautés au-delà de leurs origines ethniques et de leur affiliation politique. « Le soutien à l’Initiative de promotion des jeunes et de l’égalité des genres (GYPI) du PBF, guichet de financement concurrentiel global, a permis au Système des Nations Unies pour le Développement de se focaliser spécifiquement sur les femmes et sur les jeunes. En donnant une « voix » aux jeunes, nous contribuons ainsi à prévenir la violence politique dans les zones de fortes tensions, y compris au sein des quartiers les plus pauvres d’Abidjan, dans lesquels des projets du PBF ont facilité le dialogue parmi les jeunes de bords politiques différents », a conclu Raluca Eddon, Conseillère en transition et consolidation de la paix au Bureau du Coordonnateur Résident des Nations Unies.