En visite à Soubré, une région de forte production cacaoyère, Amina Mohammed invite à plus de solidarité internationale pour une production durable du cacao en Côte d’Ivoire.
La vice-Secrétaire générale de l'ONU s'est rendue à Soubré pour apprécier l’appui des Nations Unies au Gouvernement ivoirien en matière de cacao durable.
Présente en Côte d'Ivoire en amont de la Conférence des Parties (COP 15) de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), la vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Amina Mohammed, a effectué le 8 mai 2022 une visite de terrain à Soubré, chef-lieu de la Nawa, au sud-ouest du pays, une des principales régions de production cacaoyère. "Cette visite est destinée à mieux comprendre la complexité et les enjeux d'une production durable du cacao dans la région de la Nawa et en Côte d'Ivoire et à mettre en exergue notre approche en appui aux efforts du Gouvernement ", a expliqué le Coordonnateur résident des Nations Unies en Côte d'Ivoire, Philippe Poinsot.
Première étape de la visite de la vice-Secrétaire générale de l’ONU, le village de Kouakoukro. Dans ce campement situé à la périphérie de Soubré, l'UNICEF appuie l’Agence Nationale de Développement Rural (ANADER) sur une initiative dite de « Champs-Ecole » qui consiste à mettre ensemble un groupe de producteurs qui reçoivent des formations sur les techniques culturales du cacao pour améliorer leur productivité agricole et par extension leurs revenus afin notamment d’éliminer le travail des enfants. « Cette initiative de champs-école a non seulement un impact positif sur nos revenus, mais elle contribue également à résoudre la problématique du travail des enfants puisque nous travaillons de façon solidaire dans les champs et nos revenus nous aident à engager plus de main-d’œuvre », a expliqué le chef du village de Kouakoukro, lui-même producteur de cacao. S’adressant aux producteurs, Mme Amina Mohammed a salué l’intérêt de l’initiative “Champs-Ecole”. « Nos échanges dans ce champ m’ont aidé à mieux comprendre les efforts engagés à travers différents partenariats afin d’améliorer la production du cacao dans l’intérêt des enfants, pour qu’ils n’aient plus à travailler dans les plantations, mais également dans l’intérêt des familles en améliorant leurs revenus. C’est une excellente initiative d’aider les acteurs dès l’étape de la production », a-t-elle déclaré. Elle s’est également réjouie de la place accordée aux femmes productrices de cacao. « Les femmes dont certaines sont de petites productrices ont besoin d’être soutenues et de tirer pleinement profit de l’accroissement des revenus agricoles issus des champs-écoles pour améliorer leur qualité de vie et celle de leurs familles ».
A la suite de Kouakoukro, la délégation a visité le centre d’accueil des enfants en détresse de Soubré. En 2018, pour favoriser une prise en charge et une réintégration mieux structurées des enfants retirés des champs de cacao dans la région de la Nawa, la Première Dame, Mme Dominique Ouattara, a ouvert à Soubré ce centre d’accueil pour enfants vulnérables. « J’ai été impressionnée par les investissements destinés à réintégrer les enfants qui travaillaient dans les plantations de cacao dans le système éducatif, avec l’appui de la Première Dame, du Gouvernement et des Nations Unies pour leur offrir l’accès à la santé, à l’éducation et leur redonner l’espoir de rêver à un avenir meilleur. Ce centre comprend une suite d’infrastructures complètes et de qualité qui répondent à une diversité de besoins dans l’éducation des enfants », a affirmé Amina Mohammed à l’issue de la visite du centre.
Au centre de santé de la localité de Yabayo, à 20km de Soubré, Amina Mohammed accompagnée des ministres du Plan et du Développement, de la Femme, de la Famille et de l’Enfant ainsi que celui de l’Emploi et de la Protection Sociale, s’est vu expliquer le nouveau mécanisme d’enregistrement des naissances. Le taux d’enregistrement des naissances dans les régions productrices de cacao en Côte d’Ivoire est inférieur à la moyenne nationale et l’absence d’extrait de naissance s’ajoute aux multiples vulnérabilités auxquelles sont confrontées les enfants, dont le travail des enfants. La non-déclaration des naissances est un facteur contribuant au travail des enfants car les enfants sans certificat de naissance ne peuvent passer l’examen de fin de cycle scolaire et sont exclus de l’école et de l’égalité des chances dans la vie. Le nouveau système d’enregistrement impliquant les ministères de la Justice, de la Santé et de l’Intérieur, et soutenu par l’UNICEF, est désormais structuré autour de l’enregistrement des naissances dès la maternité du centre de santé. « Depuis que ce mécanisme a été mis en œuvre, le taux de déclaration des naissances s’est sensiblement amélioré, passant de 150 naissances déclarées par le passé à plus de 600 naissances annuelles enregistrées en moyenne maintenant », a expliqué le médecin-chef du centre de santé de Yabayo qui a également insisté sur le besoin d’accentuer la sensibilisation au sein des communautés rurales pour les encourager à continuer à déclarer les naissances.
Avec près de 80% de perte de son couvert forestier depuis 1960, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui l’un des pays aux taux de déforestation les plus élevés au monde. Selon le Bureau National d’Etudes Techniques et Développement (BNETD), la cacaoculture, par l'extension des surfaces cultivées, constitue un des principaux facteurs directs d’épuisement des ressources forestières. A Soubré comme dans plusieurs zones de production cacaoyère, le Conseil du café-cacao, l’agence gouvernementale de régulation du café-cacao, a initié un projet de reconstitution du couvert forestier en vue de maintenir les conditions d’une production durable du café et du cacao. Amina Mohammed a pu visiter une plantation de cacao appliquant des techniques d’agroforesterie. Elle a félicité les autorités pour cette initiative car « il est essentiel pour un pays comme la Côte d’Ivoire qui a perdu près de 80 % de son couvert forestier de s’engager dans la foresterie. L’agroforesterie permet aux paysans de diversifier leurs productions, de reboiser les terres agricoles, donc de lutter contre le réchauffement climatique et d’apporter de nouveaux moyens de subsistance. La régénération des plantations est essentielle à la pérennité de la filière cacao. »
A Grand-Zattry, à 40 kms de Soubré, l’OIT met en œuvre le projet « Accel » qui vise à accélérer l’élimination du travail des enfants et à favoriser un travail décent pour les producteurs à travers l’accès à la protection sociale pour les producteurs et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Dans cette localité, la délégation de la vice-secrétaire générale de l’ONU a interagi avec des membres de coopératives et de communautés bénéficiaires d’une Association Villageoise d’Epargne et de Crédits (AVEC) et de l’approche WIND de l’OIT qui promeut la santé et la sécurité au travail. « Les échanges avec vous m’ont permis de voir comment la production pouvait être améliorée grâce à de nouvelles méthodes et bonnes pratiques agricoles », a indiqué la vice-Secrétaire générale de l’ONU.
Achevant sa visite, Amina Mohammed a traduit sa satisfaction pour les initiatives conjointes du Gouvernement ivoirien et des partenaires dans le développement du cacao durable en Côte d'Ivoire. « Cette visite à Soubré a été très inspirante. Elle m’a permis d’apprécier l’appui à la fois stratégique et opérationnel que les Nations Unies apporte au Gouvernement, en collaboration avec les autres partenaires techniques et financiers, tant bilatéraux que multilatéraux. », a-t-elle résumé, avant d’en appeler à plus de soutien international en faveur de la Côte d’Ivoire et des pays producteurs de cacao. « Avec ces efforts déployés par les autorités ivoiriennes et leurs partenaires pour une production durable du cacao, la pression est désormais du côté de la communauté internationale. Nous devons appliquer ici les solutions prônées au niveau international. Plus d’investissements sont nécessaires dans le domaine du changement climatique, de la transition énergétique, de la transformation de l’agriculture et de l’économie digitale. Notre engagement est de porter haut ce plaidoyer en faveur de la Côte d’Ivoire. »
Le cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial avec 40% de la production mondiale en volume, représente jusqu'à 20% du Produit Intérieur Brut (PIB) total du pays, 40% des recettes d'exportation, et plus de 10% des recettes publiques. Plus de six millions de personnes travaillent dans le secteur et 70 à 80 % des revenus des agriculteurs en dépendent. Une approche durable de production est cruciale pour assurer au pays un développement socio-économique pérenne.