Côte d’Ivoire : Protéger les forêts sacrées, pour la population et pour la planète
En Côte d’Ivoire, l'ONU concourt à la préservation et à la gestion durable de l’une des richesses naturelles les plus précieuses du pays : les "forêts sacrées".
Forêts de Côte d’Ivoire, enjeu majeur pour la biodiversité et le développement durable
La Côte d’Ivoire est un pays très riche en biodiversité, notamment grâce à ses forêts, qui abritent une diversité biologique exceptionnelle. Mais ces forêts se dégradent à un rythme sans précédent et beaucoup d’entre elles ont déjà disparu. Selon un rapport publié en 2021 par le Centre mondial de surveillance de la conservation de la nature du PNUE (PNUE-WCMC) en collaboration avec le Programme ONU-REDD et l'initiative CocoaSoils, le couvert forestier du pays est aujourd'hui inférieur à 9 %, contre 15 % au milieu des années 1980.
Les causes en sont multiples : empiètement des terres agricoles sur les forêts, exploitation des arbres pour la production de bois, surveillance rendue difficile par la présence d’orpailleurs parfois armés et braconnage de la faune et de la flore sauvages. Le conflit qui a secoué le pays dans les années 2000 et 2010 n’a fait qu’aggraver la pression exercée sur les forêts du pays, selon l’Évaluation environnementale post-conflit réalisée par le PNUE.
Le département de Biankouma, dans l’ouest ivoirien, est riche en forêts dites "sacrées". La Côte d’Ivoire en compte plus de 6.700. Ces forêts participent à la construction identitaire des habitants des villages alentours et à la structuration de leur vie rituelle : elles sont considérées comme des temples sacrés où vit l’âme d’ancêtres protecteurs.
De ce fait, elles ont longtemps été protégées et les espèces vivantes qu’elles abritent longtemps préservées. Aujourd’hui, les forêts sacrées sont elles aussi menacées.
Aussi, l’UNESCO et le PNUD ont-ils engagé un travail conjoint avec le Gouvernement ivoirien pour aider les populations rurales du département de Biankouma à protéger leurs forêts sacrées, à préserver les richesses botaniques dont elles regorgent, à en valoriser le patrimoine auprès des jeunes et à prévenir les affrontements communautaires qui éclatent régulièrement du fait de leur profanation.
"Forêts sacrées" : préserver le patrimoine, transmettre les savoirs ancestraux et autonomiser les femmes et les jeunes
Ainsi, dans les localités de Gbombelo, Dio, Gboné, Gandi et Biankouma, les deux organismes onusiens ont aidé à réaliser un inventaire des fonctionnalités et des espèces végétales existantes.
"Ce projet a permis aux chefs traditionnels, gardiens de notre patrimoine culturel, aidés par des chercheurs, de réaliser un inventaire et un "mapping culturel" des essences florales et des fonctionnalités des forêts sacrées de Biankouma", se réjouit Diomandé Dro, le Chef du canton de Biankouma.
"Ces connaissances ont été restituées aux jeunes générations ; ceci pour leur permettre de mieux connaître les différentes fonctions et rôles de ces forêts, leur géolocalisation et leur délimitation, de même que la richesse de leurs essences végétales", poursuit Diomandé Dro.
L’UNESCO et le PNUD ont également aidé à restaurer plusieurs forêts sacrées.
"L’UNESCO et le PNUD nous ont également aidés à reconstituer le couvert et les écosystèmes de 11 forêts sacrées du département qui avaient été dégradées par l’exploitation agricole et l’orpaillage clandestin, ainsi qu'à créer un comité local de protection et de gestion des forêts sacrées", ajoute Diomandé Dro.
Par ailleurs, 50 jeunes filles ont bénéficié d’une formation sur les techniques de conservation des forêts et l’utilisation des plantes médicinales. Ces formations ont été confiées à 25 femmes d’un certain âge qui pratiquent une médecine traditionnelle basée sur les vertus médicinales des plantes. Du matériel de cuisine a également été distribué aux jeunes bénéficiaires pour leur permettre de se lancer dans des activités génératrices de revenus.
"Pour nous, les femmes du troisième âge, ces formation représentent un travail de transmission intergénérationnelle. Elle nous donnent l'occasion de transmettre aux jeunes filles notre savoir et notre pratique culturelle de la médecine traditionnelle", témoigne Yara Drapouh, une des formatrices impliquées dans le projet.
En outre, plus de 500 jeunes, dont 98 femmes, ont bénéficié d’un soutien pour monter leur propre affaire dans le domaine de l’agroforesterie ou du commerce des beignets traditionnels et 50 jeunes ont été formés au métier de pépiniériste et à l’agroforesterie. De plus, dans l’optique de promouvoir le patrimoine matériel et immatériel des forêts sacrées à travers le tourisme et la culture, le projet de l’ONU a permis de former 25 jeunes au métier de guide touristique.
Cohésion sociale, l’autre pilier d’une gestion durable des forêts sacrées
Les communautés sont soucieuses de protéger les forêts sacrées contre toute exploitation, mais aussi, pour des raisons spirituelles, contre tout acte de profanation, qui entrainerait, dans leur système de croyances, des malédictions.
C’est pourquoi, de 2020 à 2021, afin de préserver la cohésion sociale dans le département de Biankouma, l’UNESCO et le PNUD, avec le soutien financier du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix, ont formé près de 400 jeunes et leaders communautaires, dont un grand nombre de femmes, à la prévention et à la gestion des conflits identitaires et générationnels liés à la l’exploitation et à la profanation des forêts sacrées.
Plusieurs initiatives ont vu le jour dans ce contexte : mise en place de 5 comités de paix, réalisation de 12 activités de cohésion sociale en lien avec le sport moderne et traditionnel - dont des tournois de "courses de masques" -, organisation d’évènements culturels et artistiques et création de forums d’échanges intercommunautaires destinés à combattre les préjugés, les stéréotypes et la méfiance et à prôner le vivre-ensemble.
De même, des initiatives socioéconomiques de rapprochement intercommunautaire ont été lancées dans les domaines de l’élevage, de l’apiculture et du maraîchage afin de détourner les communautés de l’exploitation des forêts sacrées. Parallèlement, plusieurs infrastructures ont été réalisées au profit la population des 5 localités visées par le projet : moulins multifonctions, écoles primaires, foyers pour jeunes et préaux de prévention et de résolution des conflits.
"La forêt, elle fait partie intégrante du village, de nos vies, depuis des siècles. Elle nous protège, nous apaise, nous écoute. [...]. Nous voulons la préserver et nous voulons la sauvegarder. Sans elle, nous perdons notre âme, nous perdons notre identité" , explique un habitant du village de Yepleu, dans le département de Biankouma.
Partout dans le monde, la biodiversité s’effondre à un rythme alarmant, entraînant la disparition d’écosystèmes entiers, l’aggravation des causes et des effets du dérèglement climatique, l’appauvrissement des communautés humaines qui en dépendent pour vivre et l’apparition de conflits liés à la raréfaction des richesses biologiques. Les forêts constituent d’un des principaux réservoirs de biodiversité de la planète. Si nous voulons qu’elles continuent à produire des bénéfices sociaux, économiques et environnementaux, nous devons commencer à les gérer de manière durable et à respecter les espèces vivantes qu’elles abritent.
Parallèlement à cette initiative, l’ONU conduit en Côte d’Ivoire des projets axés sur le développement de l'agroforesterie, qui, en plus de contribuer à reconstituer la biodiversité locale, accroît la productivité agricole, réduisant ainsi la conversion des forêts en terres agricoles. Appliquée à la culture du cacao - une des causes majeures de déforestation dans le pays -, l’agroforesterie pourrait contribuer significativement à restaurer le couvert forestier ivoirien.
Agissez maintenant en faveur de l’environnement ! Suivez le Guide pratique du PNUE et rejoignez la campagne #UneSeuleTerre pour célébrer, protéger et restaurer la planète Terre.
Article coécrit par l’ONU en Côte d’Ivoire, le Bureau de l’UNESCO en Côte d’Ivoire et le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD).