"Les formations entrepreneuriales et l’initiation aux nouvelles technologies grâce au projet AFAWA permettent d’accroître les revenus des femmes de notre coopérative agricole"
ONU Femmes et la BAD collaborent pour renforcer l'autonomisation des femmes rurales. Brouz Coffi explique comment sa coopérative bénéficie de cette initiative.
Brouz Jeannette Coffi, 54 ans, mère de sept enfants, est la présidente de l’Union de coopératives Les Moissonneurs. Productrice certifiée de boutures de manioc, elle est également une pépiniériste nationale agréée d’anacarde. Son leadership au sein de sa coopérative fait d’elle une source d’inspiration pour sa famille et les femmes de son groupement agricole. Lors d’un entretien avec ONU Femmes, elle parle des défis rencontrés par les femmes de sa coopérative et présente les pistes de solutions trouvées à travers sa participation aux projets BuyFromWomen et AFAWA en Côte d’Ivoire.
Les Moissonneurs sont une union de plusieurs coopératives de la ville de Toumodi, unies pour une meilleure valorisation de leurs productions.
« La coopérative "Les Moissonneurs" est une union de 60 coopératives qui comprend différentes sections issues des 60 villages de Toumodi. Toutes les sections produisent du manioc, sauf celle du village de Djékanou qui produit de la banane. Le manioc est ensuite transformé en attiéké déshydraté à l’usine de transformation de l’union des Moissonneurs. Nous vendons sur le marché local, mais quand nous avons voulu vendre dans les supermarchés, les responsables nous ont demandées une certification que nous n’avons malheureusement pas pu passer car le coût était trop élevé. Les formations en entreprenariat BuyFromWomen, initiées par ONU Femmes avec l’appui financier de la Banque Africaine de Développement (BAD) nous ont vraiment beaucoup aidées. Nous avons appris comment créer une adresse email, créer une page Facebook, en plus de notre groupe WhatsApp, et tous ces outils nous ont permis de commencer à vendre sur internet. Lorsque nous sommes revenues des formations, nous avons aussi recruté trois jeunes, un basé à Abidjan et deux à Toumodi. Ils nous aident aussi à chercher de nouveaux marchés sur internet. L’un d’eux est récemment parti à Korhogo et nous a décroché une commande de deux tonnes de manioc que nous essayons de produire en ce moment. »
Une meilleure gouvernance s’est imposée pour la rentabilité de la coopérative
« La secrétaire générale de la coopérative et moi-même avions été les représentantes de notre union lors des formations en entrepreneuriat. À notre retour, nous avons à notre tour partagé ce que nous avons appris avec les femmes des autres sections. Elles ont maintenant compris le sens, le fonctionnement et la gestion d’une coopérative. Aujourd’hui, elles connaissent chacune leur rôle. Elles s’impliquent davantage et considèrent la coopérative comme un bien commun, alors qu’au début, elles prenaient la coopérative à la légère car elles pensaient qu’elle n’appartenait qu’à la présidente. Par exemple, par le passé, nous faisions nos réunions à notre siège à Toumodi mais depuis les différentes formations, nous organisons chaque mois des réunions tournantes par village, pour impliquer davantage les responsables de sections. Le plus intéressant, c’est que toutes les sections sont maintenant représentées à ces réunions-là. Nous avons également une secrétaire générale qui d'assure de rédiger et d'archiver les procès-verbaux des réunions. Au début de chaque réunion, la secrétaire lit le compte-rendu de la dernière assemblée et nous faisons le point des actions réalisées. »
AFAWA, un accès à des partenaires stratégiques clés
« La présentation de potentiels acheteurs qui avait déjà commencé avec BuyFromWomen, a été renforcée sur AFAWA. Nous avons été introduites à FIN’Elle, une institution de microfinance dédiée à l'autonomisation des femmes entrepreneures, qui nous a données une formation en gestion financière. Nous négocions en ce moment avec la banque FIN’Elle qui nous accompagnera dans l’équipement de notre coopérative. Nous comptons acheter un tracteur qui permettra de réduire la pénibilité du travail des femmes de nos 60 coopératives. Cette année, nous avons fait 100 hectares de manioc au niveau de l’union mais à chaque fois que nous louons le matériel, il est tardivement mis à notre disposition. Lorsque le matériel arrive en retard, la pluie cesse et nous ne pouvons pas cultiver le manioc. Cette année déjà, nous avons voulu faire le soja pour accompagner le manioc, mais nous n’avons pas réussi parce que nous n’avons pas pu avoir le tracteur à temps; si nous avions notre propre tracteur, nous aurions pu mieux organiser notre production. AFAWA nous a aussi aidées à identifier les gros acheteurs locaux de manioc brut et d’attiéké (manioc transformé), comme les écoles de Toumodi et PAMCI (grand groupe d’exploitation et de production agroalimentaire). Enfin, grâce au groupe WhatsApp créée par ONU Femmes pour le suivi des 60 coopératives du Projet d’appui aux coopératives féminines du secteur du vivrier (AFAWA) dans la région du Bélier, nous avons rencontré des coopératives sœurs dans d’autres villes avec qui nous travaillons maintenant. Nous nous renforçons mutuellement lorsque nous avons de grosses commandes que Les Moissonneurs n’arrive pas à satisfaire seules, et vice-versa. »
De meilleures perspectives pour sa famille
« Grâce à toutes ces formations, j’ai aussi pu augmenter mes bénéfices et scolariser mes enfants. Depuis huit ans, je fais le métier de pépiniériste mais à la rentrée scolaire, ma seule option étaient les écoles publiques où j'inscrivais mes enfants avec l’aide à mes frères. Lorsqu’un de mes enfants était orienté dans une bonne école privée, je me battais pour qu’il soit réaffecté dans le public parce que les frais d’inscriptions étaient trop chers. Mais cette année, grâce à BuyFromWomen et AFAWA, c’est vraiment avec fierté que j’ai réussi à inscrire mon fils dans une université privée, sans l’aide de mes frères. Je l’ai fait sans problème ».