Transformation de produits halieutiques : « Grâce aux fours FTT, ma santé s’est considérablement améliorée de même que mes revenus »
Dans le milieu de la pêche artisanale à Abidjan et particulièrement celui de la transformation des produits halieutiques, elle est un visage bien connu.
Dans le milieu de la pêche artisanale à Abidjan et particulièrement celui de la transformation des produits halieutiques, elle est un visage bien connu. À 66 ans, Ohou Abo Elisabeth est encore physiquement solide et exerce avec passion le métier qu’elle a embrassé depuis environ 40 ans : le fumage de poisson.
Son aventure dans la transformation débute dans les années 80 à Abobo Doumé, village lagunaire situé dans la commune d’Attécoubé, qui abrite un grand marché aux poissons où se côtoient quotidiennement pêcheurs, mareyeuses et transformatrices.
Encore élève, Mme Abo aidait ses parents durant les congés et les grandes vacances à fumer le poisson. A 17 ans, elle arrête les études, faute de moyens. Elle se lance dans cette activité au départ qu’elle apprécie et en 2000 alors que le pays connait des turbulences socio-politiques, elle en fait sa principale source de revenus. Elle s’essaie à la transformation de plusieurs espèces de poissons et développe une certaine expertise.
Une activité économique rentable, des conséquences sur la santé
A la vue d’un poisson, elle peut aisément dire s’il est frais ou pas. « Les pêcheurs peuvent faire un, deux ou trois jours en mer. Après sa capture, le poisson peut perdre sa fraîcheur selon les conditions de conservation. C’est une denrée extrêmement sensible. D’où l’importance d’observer une grande vigilance sur les poissons proposés » explique-t-elle.
Pour cette fumeuse de poisson chevronnée, la transformation est une activité économique rentable. « En périodes de haute saison, c’est-à-dire quand le poisson est disponible en grande quantité, après avoir fait face à toutes mes charges, je peux épargner 50 mille CFA, voire plus » confie-t-elle.
Le métier n’est cependant pas une activité facile. « Nous sommes exposées quotidiennement au soleil et à la fumée que nous inhalons. Ce qui nous expose à des maladies. Personnellement, j’ai été malade durant de nombreuses années » fait-elle remarquer.
En 2015, les fours FAO-Thiaroye de Transformation ou fours FTT développés grâce à la collaboration entre l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Centre National de Formation des Techniciens des Pêches et de l’Aquaculture du Sénégal sont introduits en Côte d’Ivoire, en premier lieu sur le site du marché aux poissons d’Abobo Doumé.
Ses collègues transformatrices observent une réticence à l’utilisation de ce nouvel outil de fumage du poisson. Mais Mme Abo le perçoit comme une opportunité en or. « Les femmes qui fumaient le poisson avec moi ne voulaient pas de ces fours qu’elles ne connaissaient pas. Elles préféraient toujours sur les fours traditionnels » se souvient-elle en souriant.
Grâce aux fours FTT, les poissons que nous commercialisons sont des produits de meilleure qualité et plus sûrs.
« J’ai commencé à utiliser seule ces fours. Ma santé s’est considérablement améliorée et mes revenus aussi car les poissons que nous commercialisons sont des produits de meilleure qualité et plus sûrs avec moins de pertes au fumage », raconte celle qu’en appelle désormais la doyenne des fumeuses de poissons.
« Mes consœurs s’étant rendus compte que je ne tombais plus malade et surtout que les clients portaient tous leurs choix sur les poissons fumés aux fours FTT, elles ont toutes délaissées leurs fours traditionnels pour me rejoindre » explique, amusée, Mme Abo.
Elle maitrîse si bien son savoir-faire qu’elle reçoit très souvent des commandes de certains clients installés en Europe. La doyenne partage aussi son expertise. A l’occasion de plusieurs missions organisées par le projet Initiative Pêches Côtières composante Afrique de l’Ouest (IPC-AO) de la FAO, elle s’est rendue avec certaines de ses consœurs ivoiriennes au Sénégal en mai 2022 où elle a partagé son savoir-faire avec des transformatrices venues du Cap Vert et du Sénégal, pays dans lequel les fours FTT ont été développés.
En janvier 2022, des transformatrices ont effectué le déplacement depuis Sassandra en vue de bénéficier de sa grande expérience. A Sassandra en effet, l’IPC-AO envisage fournir des fours FTT aux transformatrices de cette ville du sud-ouest de la Côte d’Ivoire où la pêche artisanale est la principale activité économique.