Les ex-réfugiés ivoiriens reconstruisent leur vie alors que la Côte d’Ivoire retrouve plus de paix et de stabilité.
03 mars 2023
Grâce à la paix et à la stabilité, les rapatriés ivoiriens commencent une nouvelle vie et contribuent au redressement de leur pays d'origine.
"Alors que j'étais encore adolescent, j'ai perdu mon père et ma mère dans le conflit de 2002 en Côte d’Ivoire. Ce fut douloureux pour moi. Lorsqu’à nouveau en 2010, les armes de guerre ont commencé à tonner à des centaines de kilomètres de là, dans la capitale Abidjan, j'ai immédiatement fui le pays pour le Liberia avec ma famille", raconte l'ancien réfugié ivoirien Mahoto Bouehi Gervais. " Nous avons marché durant plusieurs jours, ne survivant que grâce aux fruits sauvages que nous trouvions en chemin et à l'eau que nous consommions dans les étangs et les ruisseaux, avant d'arriver dans un camp de réfugiés où nous avons pu bénéficier d'une aide humanitaire."
Lorsque la paix et la stabilité sont revenues en Côte d'Ivoire après de longues années de conflit, Gervais a décidé de retourner dans son pays d'origine. Ce père de cinq enfants désormais fait partie des milliers de réfugiés ivoiriens qui ont été assistés par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, à rentrer chez eux et à reconstruire leur vie.
Exploitant les compétences qu'il a acquises en exil, Gervais a rejoint un projet de fabrication de savon soutenu par la Caritas, partenaire du HCR. "Pendant mon séjour au Libéria, j'ai appris à fabriquer du savon en travaillant avec d'autres réfugiés ", explique-t-il.
En 2021, Gervais s'est associé à d'autres rapatriés dont une dizaine de femmes, à Klobly, sa localité, et a fondé l'organisation Anédoué qui comprend des personnes de la communauté d'accueil et treize rapatriés. Anédoué, qui signifie "unité" dans la langue maternelle Guéré, fabrique des savons artisanaux.
"Le groupe Anédoué est composé de personnes qui croient en la force de la solidarité pour surmonter tous les obstacles, en particulier les difficultés liées à la réintégration après avoir vécu pendant de nombreuses années en tant que réfugiés", souligne Gervais. Il ajoute qu'ils ont maintenant l'intention d'augmenter leur production de savon pour répondre à la demande d'un marché plus large et pour continuer à transformer leur vie et à contribuer à l'économie locale.
Pour Juliette Kpahie, trésorière du groupe, les revenus de leur activité lui permettent, ainsi qu'à d'autres membres, d'envoyer leurs enfants à l'école et de s'occuper d'eux. "Notre activité se développe bien. Après déduction de toutes les dépenses, le bénéfice permet aux 15 membres de subvenir à leurs besoins et de s'occuper de leurs familles", se réjouit-elle.
Cependant, les difficultés liées au transport de leurs produits vers les marchés voisins restent une préoccupation pour l'association Anédoué. "Le transport des marchandises est difficile et physiquement éprouvant. Nous craignons que cela n'affecte nos performances et notre santé. Nous demandons de l'aide pour l'achat d'un tricycle, ce qui nous faciliterait la tâche", plaide-t-elle.
Pour les aider à s'installer, les rapatriés ont reçu une assistance avec des activités génératrices de revenus, des fonds de réintégration et le développement d'installations pour les plus vulnérables", Papa Kysma, Représentant du HCR en Côte d'Ivoire.
Le HCR a soutenu les rapatriés qui sont pour la plupart originaires de l'ouest de la Côte d'Ivoire, grâce au financement du gouvernement américain et aux efforts des autorités ivoiriennes pour conduire le processus de réintégration en répondant aux préoccupations foncières, en s'assurant que les réfugiés et les hôtes reçoivent les documents administratifs appropriés, et en maintenant une coexistence pacifique.
"Pour aider les rapatriés à s'installer chez eux, ils ont reçu une assistance comprenant des activités génératrices de revenus, des fonds de réintégration et le développement d'installations pour les plus vulnérables telles que des abris et des latrines", explique Papa Kysma Sylla, le représentant du HCR en Côte d'Ivoire.
100,000 rapatriés directement assistés pour leur fournir des solutions durables
Outre l'organisation Anédoué de Klobly, d'autres rapatriés ont également bénéficié du programme de réintégration. Madoussou Traoré, résidente de Danané, est veuve et mère de 12 enfants, dont huit sont des enfants de sa coépouse décédée. Elle a reçu un logement de deux pièces dans le cadre d'une initiative d'hébergement.
"Je ne sais pas comment les choses se seraient passées si j'avais dû louer un local pour ma famille. Comment aurais-je trouvé les fonds nécessaires ? Avoir sa propre maison est un grand soulagement", souligne-t-elle. Cette mère de 35 ans explique qu'il est extrêmement difficile de s'occuper de nombreux enfants, car ils ont besoin d'être nourris, éduqués et soignés, et que son mari et sa coépouse sont tous deux décédés. "Le HCR m'a également aidée à suivre une formation et à créer une petite entreprise ; cependant, avec les nombreuses dépenses, nous vivons à peine. Sans cette aide, la vie aurait été encore plus difficile", déclare soulagée, Madoussou.
"Les programmes de réintégration sont destinés à bénéficier à la fois aux ex-réfugiés de retour et aux communautés dans lesquelles ils vivent. Dans le cadre de son engagement à fournir des solutions durables, le HCR a directement assisté plus de 100 000 réfugiés qui sont rentrés chez eux depuis 2011 ", précise le représentant du HCR.
Alors que la Côte d'Ivoire devient l'exemple d'un pays qui est passé de la guerre à la paix, Gervais et Juliette espèrent tous deux qu'ils ne connaîtront plus jamais la même épreuve à cause des bouleversements politiques. "Notre souhait le plus ardent est que notre pays reste très stable et que tout le monde vive en paix et en harmonie. La guerre détruit, mais avec la paix, nous pouvons poursuivre nos activités économiques, reconstruire nos vies et créer un avenir meilleur pour nos enfants", prie-t-elle.
Le 30 juin 2022 a été marqué en Côte d’Ivoire par la cessation officielle du statut de réfugié pour les Ivoiriens signant ainsi la fin d’une période marquée par le déplacement forcé en 2002 et 2010-2011 de centaines de milliers de réfugiés ivoiriens dans les pays voisins.