Promouvoir une transhumance transfrontalière apaisée entre la Côte d'Ivoire et la Guinée grâce à un outil de suivi de la transhumance
Les premiers résultats de l'outil de suivi de la transhumance ont été discutés lors d'une rencontre transfrontalière Côte d'Ivoire-Guinée.
Dans le cadre de la promotion d'une migration sûre et ordonnée, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Côte d’Ivoire déploie l'Outil de suivi de la transhumance (Transhumance Tracking Tool, en anglais) en partenariat avec le Réseau Billital Maroobé (RBM) et les autorités ivoiriennes. Cet outil est mis en œuvre dans les régions du Bafing et du Kabadougou au Nord de la Côte d’Ivoire ainsi que dans la région de Nzérékoré en Guinée.
Il s’inscrit dans le cadre du projet conjoint entre l’OIM et la FAO dénommé “Consolider la cohésion sociale transfrontalière entre la Côte d’Ivoire et la Guinée pour une meilleure compréhension et anticipation des risques et le renforcement de la confiance et de la collaboration entre acteurs locaux” et financé par le Fonds des Nations unies pour la consolidation de la paix (PBF). Le TTT contribue à l'amélioration de la gestion des flux de transhumance transfrontalière en fournissant des informations aux décideurs locaux et nationaux pour une transhumance apaisée entre le Sahel et les pays côtiers.
Lors d'une réunion tenue du 2 au 3 juin 2023 à Odienné, chef-lieu de la région du Kabadougou, 58 acteurs locaux et nationaux de la Guinée et de la Côte d’Ivoire ont examiné les défis et les enjeux liés à la transhumance dans les régions frontalières des deux pays, en se basant sur les premiers résultats du TTT.
Maîtrise accrue des mouvements et réduction significative des conflits entre agriculteurs et éleveurs
Ce cadre de concertation transfrontalier a constitué l’opportunité d’apprécier le niveau de mise en œuvre du projet ainsi que les résultats obtenus, et d’échanger sur l’appropriation de l’outil par les parties prenantes au niveau local et national. Le décompte effectué de novembre 2022 à mars 2023 dans 12 localités (8 en Côte d’Ivoire et 4 en Guinée) a révélé que 65 133 animaux accompagnés par 1837 éleveurs ont transhumé dont 77% en provenance du Mali pour la Côte d’Ivoire (43%) et pour la Guinée (34%), avec une durée moyenne de 72 jours. 59% des flux transitent par la région du Bafing. La composante d'alerte précoce du TTT a permis de résoudre 24 conflits sur 39 alertes transmises, dont 50% liés à des conflits agro-pastoraux, 21% résultant de tensions communautaires, et 14% consécutifs au refus de passage des troupeaux.
Lors des discussions, les acteurs présents ont unanimement reconnu les avantages du cadre mis en place grâce au TTT, soulignant qu'il renforce le dialogue entre les deux pays tout en fournissant un outil précieux pour la prise de décision et la planification de la transhumance. « Le TTT nous a aidés à trouver des solutions aux difficultés que nous rencontrons ici concernant la transhumance. Je propose que cet outil soit par exemple intégré dans les plans de développement locaux», a plaidé Oularé Laciné, Directeur préfectoral de l'agriculture et de l'élevage de Beyla. Ce point de vue a été soutenu par le Directeur régional des ressources animales et halieutiques de la région du Bafing. « Le TTT devrait normalement être intégré aux Comités régionaux de transhumance pour une meilleure maîtrise et gestion des flux ». Les discussions ont également révélé des changements significatifs induits par le TTT, tels qu'une meilleure maîtrise des mouvements, comme l'a souligné M. Youssouf Ouattara, Sous-préfet de Borotou-Koro. « Le contrôle des flux est mieux maîtrisé grâce à la présence des sentinelles et des énumérateurs, car les alertes qu'ils lancent nous permettent d'être mieux informés sur les mouvements, en particulier les mouvements nocturnes ». De plus, M. Sidibé Mahamadi, Secrétaire général en charge des collectivités de Beyla, a fait remarquer une réduction considérable des conflits entre agriculteurs et éleveurs. « Avant le projet, nous avons traité 45 conflits au niveau des préfectures. Depuis le lancement de cette initiative, nous n'avons pas encore été confrontés à ce genre de problème », s’est-il réjoui.
La nécessité d’appropriation de l'outil TTT par les parties prenantes
Des recommandations ont été formulées lors de l'atelier pour renforcer l'outil TTT au niveau local et national. Celles-ci incluent l'intégration de l'outil dans le fonctionnement des structures étatiques telles que le comité national de transhumance (CONAT), l'appui au plaidoyer sur l'harmonisation des cadres règlementaires et l'extension du projet au Mali par le biais de rencontres trilatérales.
Clôturant la rencontre, le Chef de mission de l'OIM en Côte d'Ivoire, David Preux, a souligné la nécessité d'une "responsabilité partagée entre les agences et le Gouvernement pour relever ensemble les défis liés à la transhumance". Les premiers résultats de l’outil de transhumance augurent ainsi un avenir prometteur pour une gestion de la mobilité pastorale fondée sur des données chiffrées, contribuant ainsi à la réduction des conflits éleveurs-agriculteurs. « Avec l’ère de l’intelligence artificielle dans laquelle nous entrons, nous devons adopter cette nouvelle manière de travailler. Notre rôle est de nous approprier le TTT et d’en faire notre outil de prise de décision » a conclu Nurudine Oyéwolé, Coordonnateur chargé de la coopération transfrontalière auprès de la Commission Nationale des Frontières de Côte d’Ivoire.