Foro : Là où les frontières s'effacent devant la fraternité
À Foro, village frontalier du nord ivoirien, la solidarité devient un rempart : un exercice de simulation de crise révèle la force d’une communauté unie.
Dans le nord de la Côte d'Ivoire, près des frontières du Mali et du Burkina Faso, le village de Foro découvre la force de la solidarité à travers une simulation de crise.
Ce matin-là, le calme habituel a cédé la place à une effervescence maîtrisée. Ce qui semblait être un jour ordinaire s'est transformé en exercice grandeur nature, conçu pour tester non seulement les protocoles d'urgence, mais la cohésion même du village.
Soro Dramane ajuste sa chemise blanche, calme et concentré, avec l'assurance de quelqu'un qui sait résoudre les problèmes. Retraité et ancien ingénieur commercial, il a trouvé un nouveau sens à sa vie comme président du collectif de développement de Foro. Ce jour-là, il orchestre un exercice sans précédent : la mobilisation de tout le village pour simuler l'arrivée massive de populations déplacées.
J'ai organisé une chaîne humaine pour accueillir ces populations », se souvient Dramane avec une satisfaction discrète. « Dès que nos voisins ont eu besoin de nous, ce n'était plus un exercice; c'est devenu du concret.
Depuis début 2022, le nord de la Côte d'Ivoire absorbe un afflux important de personnes fuyant les conflits dans les pays voisins. Cette arrivée soudaine, conjuguée aux défis climatiques et sécuritaires, met les communautés hôtes sous pression. Ces simulations sont essentielles pour garantir que chacun sache quoi faire avant, pendant et après une crise.
Mais l'impact de cette simulation a dépassé son cadre technique. Ce test des dispositifs de gestion de crise a révélé la capacité de la communauté à réagir rapidement et de manière coordonnée.
« Dès que l'alerte est tombée, tout le village s'est mobilisé », explique Dramane. « Les autorités ont réagi sans délai parce qu'elles savaient que nous étions prêts. Ici, la solidarité n'est pas un vain mot ; c'est notre force, même si nous restons vigilants. »
Cette vigilance s'explique par une réalité géographique complexe. Foro se trouve à un carrefour stratégique, aux portes du Mali et du Burkina Faso, régions marquées par les tensions et la violence. Derrière son apparente tranquillité, le village occupe la première ligne.
La simulation a également transformé les relations avec les forces de sécurité. De simples contacts officiels, elles sont devenues de véritables partenariats.
« Nos policiers connaissent maintenant chacun d'entre nous personnellement », dit Dramane. « Nous partageons des repas, nous avons tissé des liens fondés sur le respect et la fraternité. Cette proximité, c'est la simulation qui l'a rendue possible. »
Cette transformation reflète une nouvelle approche de la sécurité qui place les relations humaines au cœur d'une paix durable.
Pour Dramane, cette expérience dépasse largement le cadre de la gestion de crise : c'est un projet à long terme pour renforcer la résilience des communautés, par-delà les frontières tracées sur les cartes.
« Les frontières ne sont que des lignes sur du papier », rappelle-t-il en regardant au loin. « De l'autre côté, ce sont nos frères et sœurs. Nous devons cultiver cette solidarité et la transmettre à nos jeunes, pour qu'ils soient prêts, partout, à s'entraider quand surgiront les difficultés. »
La simulation menée à Foro, organisée par l'Organisation internationale pour les migrations en collaboration avec la Commission nationale des frontières, va bien au-delà d'un simple exercice de préparation à l'urgence. Intégrée à l'initiative du Département d'État américain pour le renforcement des frontières nord de la Côte d'Ivoire, du Ghana et du Togo, elle démontre comment les communautés peuvent devenir de véritables acteurs de la sécurité régionale.
À une époque où les frontières divisent souvent, Foro trace une autre voie : celle où la préparation et la solidarité transforment la vulnérabilité en force collective.
Cet article a été rédigé par Abdoulaye Mamadou SOUKOUNA, Coordonnateur de la communication de l'IBSM, asoukouna@iom.int.