Un imam montre la voie pour un culte sûr
Parce qu'en Afrique, les chefs religieux sont très écoutés, ils peuvent devenir de véritables alliés pour les causes de santé publique.
Dans le contexte de l’urgence sanitaire posée par la pandémie du COVID-19 à travers le monde, le rôle des leaders religieux n’en est que plus accentué. En Afrique, ils sont des alliés incontournables dans les causes de santé publique et pour sauver des vies. Leur proximité avec les fidèles, les relations construites au fil du temps avec les familles et leur rôle central dans les œuvres de bienfaisance envers les plus démunis sont autant de facteurs qui leur font gagner la confiance de leur communauté.
En Côte d’Ivoire, le gouvernement ayant décidé de la fermeture des lieux de culte à compter du 18 mars compte tenu du risque de propagation communautaire du COVID-19, cette mesure a été plutôt bien accueillie et respectée par la population grâce à l’implication des chefs religieux.
Cissé Djiguiba Abdallah est l’un des grands imams en Côte d’Ivoire. Directeur du groupe de média Albayane, il est aussi le Président de l’union des médias confessionnels de Côte d’Ivoire. Avec les autres imams, il a été contacté par le Conseil supérieur des imams des mosquées et des affaires islamiques pour qu’ils soutiennent la lutte contre la pandémie :
« Vu l’évolution de la maladie du COVID-19 dans le pays, nous avons été approchés par le Conseil qui nous a expliqué les modes de propagation du virus et a sollicité notre appui pour faire comprendre la nécessité de fermer les lieux de culte et d’encourager le respect des mesures de prévention dans nos communautés », explique-t-il.
Un engagement de longue date
Dans son pays, Imam Cissé est un habitué de l’engagement communautaire. Lorsque le VIH-SIDA s’est déclaré en Côte d’Ivoire il y a plus de 30 ans, il fut l’un des premiers imams à s’engager dans la lutte et au fil des années, il s’est impliqué pour véhiculer les messages de prévention contre la maladie et pour arrêter la stigmatisation envers les personnes atteintes.
Avec la nouvelle lutte contre le COVID-19, il renouvelle son engagement : « Dès les premiers moments dans ma mosquée, mes communications allaient dans le sens de s’informer sur cette maladie afin d’avoir les attitudes qui pourraient nous aider à l’éviter. Plus tard lorsque le premier cas s’est déclaré et que les professionnels de la santé ont commencé à promouvoir les mesures de réponse contre le COVID-19, j’ai joint ma voix à celle des autres pour sensibiliser non seulement les fidèles mais aussi toute la population. Cette maladie se propage lorsqu'une personne infectée entre en contact étroit avec d'autres personnes. En empêchant que des groupes de personnes se réunissent, nous pouvons ainsi empêcher la propagation de la maladie. C’est pourquoi la prière du vendredi, ainsi que d’autres activités cultuelles dont les baptêmes, cérémonies funéraires de 7ème jour, sont désormais interdites. »
« Sans vie, il n’y a pas de prière »
Imam Cissé dirige depuis près de 40 ans les prières à la Mosquée Salam du Plateau à Abidjan, qui accueille entre quatre et six mille fidèles chaque vendredi. Il explique comment cette mesure est vécue par les fidèles musulmans en Côte d’Ivoire. « Pour beaucoup de fidèles et même pour nous-mêmes les imams, cette décision a été difficile. La mosquée est un aspect central de nos vies. Certains étaient bouleversés, pour eux le fait de fréquenter la mosquée était leur source de réconfort dans ces moments difficiles. Mais compte tenu du nombre de personnes et de la proximité entre les fidèles dans les mosquées, le risque de contamination est très élevé alors nous leur avons demandé de faire la prière à la maison, en leur expliquant que les prières à domicile ont aussi leur sens et leur importance. Nous leur avons fait comprendre que la priorité est de sauvegarder la vie tel que demandé par Dieu, car sans vie, il n’y a pas de prière. »
Pour convaincre ses fidèles, Imam Cissé a aussi pris l’exemple des mosquées des villes saintes de la Mecque et Médine.
« Je leur ai expliqué que ces deux mosquées ont été fermées au public en raison des risques de propagation du COVID-19 pour préserver la vie des gens, et j’ai ainsi réussi à les convaincre du bien-fondé de notre décision et du caractère global de cette pandémie. »
Des fidèles motivés
Konaté Sibiri fait partie de la congrégation de l’imam Cissé depuis plusieurs années. Il est l’assistant de l’Imam Cissé Djiguiba. La fermeture de la mosquée où il se rendait religieusement pour accomplir ses prières et particulièrement la prière du vendredi a été très difficile pour lui. « Je n’aurais jamais pensé qu’un jour il ne me serait pas possible de me rendre à la mosquée pour accomplir mes prières. Ce rituel était une partie de ma vie courante et aujourd’hui je dois m’en passer. A travers son prêche, Imam Cissé m’a convaincu que c’était la meilleure des choses à faire pour nous protéger et protéger les autres de cette terrible maladie. »
Pour Traoré Seydou, la fermeture des mosquées a une toute autre signification : « Pour être honnête, je ne me rendais pas fréquemment à la mosquée dans le passé. Tout au plus, il m’arrivait d’y aller quelques fois dans le mois. Mais depuis la survenue de cette pandémie dans mon pays avec l’interdiction de se rendre à la mosquée ou même de rencontrer la communauté, je me suis rendu compte de leur importance. Je vais respecter les règles tel que conseillé par Imam Cissé car il ne nous conseille que pour notre bien. Mais après cette pandémie, je souhaite ne plus rater mes prières à la mosquée, et je serai plus présent dans ma communauté. »
Une tendance encourageante
Pour montrer l’exemple à domicile, Imam Cissé s’assure qu’il y a des kits de lavage des mains et que toute la famille respecte les règles recommandées par les autorités sanitaires.
« Les mêmes consignes de prévention sont valables au sein de la famille. Que ce soit pour les parents, les enfants et les employés de maison, les mêmes règles s’appliquent à tous. En tant que chef de famille, je m’assure que tout le monde se lave régulièrement les mains tout en respectant toutes les autres mesures d’hygiène. Il faut aussi réduire et contrôler le nombre des visites venant de l’extérieur donc nous privilégions les salutations au téléphone et les réunions par vidéoconférence », conclut-il.
Imam Cissé a constaté de nouvelles tendances et habitudes favorables. « Etonnamment, nous avons constaté des bienfaits notables lors de cette période. Par le passé, il était difficile de rassembler tous les membres de la famille pour effectuer les prières ensemble à la maison. Depuis l’avènement du COVID-19, plusieurs prières quotidiennes sont effectuées à l’heure, et en présence de toute la famille. »
La pandémie du COVID-19 a bouleversé les habitudes et les comportements des ivoiriens. En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, il est très difficile de demander aux personnes de ne pas se serrer la main ou de garder une distance les uns des autres. En relayant les mesures de prévention contre le COVID-19 d’une manière pratique et facile à appliquer, les personnalités religieuses contribuent à contenir la propagation du virus, tout en rassurant les membres de la communauté et en encourageant un environnement apaisé.